Altercation entre salariés et obligation de sécurité de l’employeur
Querelle entre salariés : l’obligation de sécurité de l’employeur renforcée
Par un arrêt récent de la Chambre sociale rendu le 17 octobre 2018 (Pourvoi n° 17-17.985), la Cour de cassation se positionne sur les contours de l’obligation de sécurité de l’employeur au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. Par le biais de cet arrêt, elle renforce un peu plus cette obligation à la charge de l’employeur vis-à-vis de ses salariés. Tour d’horizon.
Employeur : obligation de prévention des risques pour les salariés
En l’espèce, une altercation a lieu entre deux salariés, suivie d’une agression verbale ayant entraîné un préjudice moral avec soins pour le salarié victime, mais sans arrêt de travail. Afin de résoudre ce différend, l’employeur décide d’organiser une réunion dès le lendemain de l’altercation ainsi que d’autres réunions les moins suivants. Plusieurs mois après ce premier différend, l’auteur de la première agression récidive avec le même salarié. Ce dernier saisit la juridiction afin d’obtenir des dommages et intérêts pour réparation du préjudice moral subi. La Cour d’appel fait droit à sa demande, sur la base du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Les juges du fond estiment en effet que l’employeur n’a pas pris les mesures qui s’imposaient pour prévenir le risque de récidive. La question était alors posée à la Cour de cassation de savoir si l’employeur était tenu dans cette situation de prendre d’autres mesures afin de prévenir une nouvelle altercation. Les juges répondent par l’affirmative et confirment la décision de Cour d’appel. Les juges considèrent en effet que l’employeur était tenu de prendre des mesures concrètes pour éviter tout renouvellement du différend entre les deux salariés, ce dernier ayant eu connaissance des conséquences immédiates de l’altercation sur la santé du salarié victime ainsi que des caractères incompatibles des protagonistes sources possibles d’un nouveau conflit. Or, en organisant seulement une réunion après l’altercation, suivie d’autres réunions périodiques, l’employeur n’avait pas pris de mesure concrète. Ce dernier est donc responsable et a manqué à son obligation de sécurité en n’ayant pas opté pour des mesures de prévention et de protection suffisantes, au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail.
Obligation de sécurité de l’employeur : appréciation des mesures devant être prises
Par cet arrêt rendu le 17 octobre 2018, la Cour de cassation précédée de la Cour d’appel est catégorique sur le sujet : le fait pour un employeur d’organiser des réunions entre deux salariés à la suite d’une querelle ne suffit pas à remplir l’obligation de sécurité telle que prévue par le Code du travail. Face à ce constat, il est possible de se demander quels auraient dû être les moyens d’action de l’employeur face à pareille situation. Pour rappel, l’article L. 4121-1 du Code du travail précise que l’employeur doit assurer la sécurité des travailleurs et protéger leur santé physique et mentale. Cette obligation prend en compte la mise en place de plusieurs mesures, à l’instar des actions de formation, de prévention et d’information. Il s’agit aussi pour l’employeur de mettre en place une organisation et des moyens adaptés afin de prévenir les problèmes éventuels et améliorer les situations existantes. Pour condamner l’employeur pour manquement à son obligation de sécurité, les juges sont tenus de rechercher s’il a pris les mesures permettant réellement de faire cesser tout risque pour le salarié ou, le cas échéant, de l’éviter à l’avenir. Suivant la position déjà rendue par un arrêt du 25 novembre 2015 (Pourvoi n° 14-24.444), la Cour de cassation aurait peut-être jugé différemment si l’employeur avait pris en compte le risque de récidive de cet employé indélicat et les conséquences morales qui avaient déjà été constatées dans le cadre de la première altercation