Amnésie traumatique et viol sur mineur : délai de prescription
L’amnésie traumatique suspend-t-elle le délai de prescription dans le cas d’un viol sur mineur ? Éléments de réponse dans cet article.
Viol sur mineur : l’amnésie traumatique de la victime ne suspend pas la prescription
Par un arrêt rendu le 17 octobre 2018, la Cour de cassation est venue réaffirmer sa position quant au sort du délai de prescription dans le cadre d’un viol sur mineur. Etait posée la question de la possible suspension de cette prescription en cas d’amnésie traumatique de la victime. Qu’en est-il vraiment ? Réponse dans cet article.
L’amnésie traumatique n’est pas un obstacle insurmontable
La chambre criminelle devait répondre à la question de savoir si l’amnésie traumatique était constitutive d’un obstacle insurmontable et donc assimilable à la force majeure ayant pu suspendre le délai de prescription.
En l’espèce, une jeune victime avait été violée à l’âge de dix ans. En 2000, soit dix ans après la majorité de la victime, la Chambre de l’instruction avait déclaré l’infraction comme prescrite, mettant en exergue que l’amnésie traumatique avancée par la victime ne pouvait constituer un obstacle insurmontable et assimilable à la force majeure et que de ce fait elle ne pouvait pas suspendre le délai de prescription.
La Cour de cassation considère que cette décision respecte les articles 9-1 et 9-3 du Code de procédure pénale en ce que ce motif ne peut pas être un argument permettant la suspension du délai de prescription.
Cette décision pose toutefois des questions. En effet, en espèce le viol avait été commis en 1982 contre un mineur, majeur en 1990. Si aujourd’hui le délai de prescription d’un viol est de 30 ans à compter de la majorité, cette nouvelle loi ne peut cependant pas venir remettre en cause une prescription acquise. Or, à l’époque des faits, la prescription d’un viol sur mineur n’était régie par aucune disposition spéciale, ce qui signifie que le délai de prescription était de 10 ans.
Ce n’est que par la suite, en vertu de la loi du 9 mars 2004, que le délai de prescription fut porté à 20 ans, puis 30 ans depuis la loi du 27 février 2017. Désormais, en vertu de l’article 9-3 du Code de procédure pénale, il serait possible de penser que les décisions futures pourraient évoluer favorablement dans le sens de l’assimilation d’une amnésie traumatique à un cas de force majeur suspensif de prescription.
Viol sur mineur et article 9-1 du Code de procédure pénale
Une autre zone d’ombre plane sur la décision rendue par la Cour de cassation. En effet, cette dernière se base notamment sur l’article 9-1 du Code de procédure pénale afin de motiver sa décision. Or, cet article date du 3 août 2018, bien loin de la date de commission des faits et de la prescription acquise en 2000.
En outre, l’article 9-1 de ce même Code a trait aux infractions occultes, ce qui ne semble pas être de circonstance ici.
L’infraction occulte y est définie comme étant une infraction qui ne peut être connue ni de l’autorité judiciaire ni de la victime en raison de ses éléments constitutifs. Or, le viol est une infraction qui, par définition, est connue de sa victime. L’amnésie traumatique ne découle évidemment pas de ces considérations.
Aujourd’hui, la question du report du délai de prescription pour cause d’amnésie traumatique revient sur le devant de la scène, de manière moins importante cependant en raison de l’allongement du délai de prescription à 30 ans pour les crimes sexuels commis sur les mineurs.