Accident du travail : Qui porte la responsabilité et sous quelles conditions ?
Accident du travail : Qui porte la responsabilité et sous quelles conditions ?
Tout accident survenu au cours des horaires de travail et sur le lieu de travail est réputé comme constituant un accident professionnel (article L411-1 du Code de la sécurité sociale) sans qu’il ne soit dès lors nécessaire d’en apporter la preuve. Il peut bien entendu en être de même après enquête, et selon les circonstances, lorsque cette présomption n’est pas applicable (L411-2 du même Code). Ce régime protecteur issu des dispositions de la loi du 9 avril 1898 permet au salarié victime de bénéficier d’une prise en charge des soins et de ses revenus à travers une indemnité de base susceptible d’être complétée sous conditions par l’employeur. L’accident du travail peut également engendrer l’engagement de la responsabilité civile de l’employeur au titre du manquement à son obligation de sécurité, mais également pénale dans le cadre de fautes graves ou inexcusables définies aux articles L452-1 et suivants du Code précité.
Qui est responsable en cas d’accident du travail ?
Par défaut, l’accident (ou maladie) du travail permet au salarié victime de percevoir une indemnisation limitée, sans qu’aucune responsabilité ne soit établie spécifiquement. Mais dans certains cas, il peut être rendu possible de démontrer la faute de l’employeur, pouvant dès lors constituer une faute inexcusable ouvrant droit au salarié à une indemnisation majorée mais surtout, engageant la responsabilité civile, voire pénale dans les cas les plus graves de ce dernier.
En effet, l’indemnisation apportée au salarié de manière automatique démontre indirectement l’existence d’une obligation de sécurité de résultat pesant sur l’employeur. Cette notion issue d’un arrêt de cassation de 1911 a été interprétée assez largement par la jurisprudence comme constituant une « obligation générale de sécurité ». La seule cause d’exonération de toute indemnisation de la part de l’employeur étant la preuve rapportée par celui-ci d’une faute du salarié, ou d’une cause totalement étrangère au travail réalisé, il est ainsi établi l’existence de cette obligation de résultat pesant sur l’employeur en matière de sécurité du salarié. Obligation de résultat qui a depuis était clairement établie par la Cour de cassation, par exemple à travers un arrêt rendu le 27 novembre 2014.
L’engagement de la responsabilité civile ou pénale de l’employeur
Au-delà de l’indemnisation de base accordée de plein droit par le droit positif au salarié victime d’un accident du travail, il est rendu possible pour ce dernier d’engager la responsabilité civile de l’employeur, à condition de rapporter la preuve de sa faute. Faute étant constituée lorsque toutes les obligations légales relatives au Code du travail n’ont pas été respectées, mais encore en cas de faute inexcusable. L’engagement de cette responsabilité permet au salarié de bénéficier d’une réparation de son préjudice sous la forme de dommages et intérêts perçus en complément de l’indemnité de base, versée soit par la personne morale employant le salarié, soit par l’assurance responsabilité civile de l’employeur.
Plus grave encore, lorsqu’une obligation d’ordre public en matière de sécurité ou de droit pénal (ex : harcèlement ayant entraîné un accident du travail) n’a pas été respectée, la responsabilité pénale de l’auteur direct de l’infraction, c’est-à-dire de l’employeur en tant que personne physique, est engagée même s’il n’est pas directement responsable de l’accident. En effet, la jurisprudence est constante sur le sujet : c’est à l’employeur que revient notamment la mission de veiller à l’application de toutes les règles d’hygiène et de sécurité, à moins qu’il ne délègue cette fonction à un organe spécifique : le CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). L’engagement de la responsabilité pénale de l’employeur peut engendrer des peines pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement assorti d’une amende de 75 000€ en cas de préjudice grave et durable, et si l’employeur est convaincu d’un fort degré de responsabilité dans la survenue de l’accident.
La responsabilité de l’employeur peut être engagée par le salarié à travers une demande de reconnaissance de faute, effectuée auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) dans un délai de deux ans suivant la survenue du préjudice. Une médiation ainsi que la conclusion d’un accord amiable sont alors prévus, avant une transmission de l’affaire en cas d’échec au tribunal des affaires de la sécurité sociale (TASS) qui est seul compétent en la matière.
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Ordonnances macron : Quels changements pour le contrat à durée déterminée (CDD) ?
La réforme du Code du travail voulue par le Président de la République Emmanuel MACRON s’est traduite par la présentation le 31 août 2017 de 5 ordonnances, présentées le 22 septembre suivant en Conseil des Ministres. Parmi ces 5 ordonnances, la 3e relative à la « prévisibilité et sécurisation des relations de travail » vise à réformer le régime légal des contrats de travail temporaire ainsi qu’aux CDD (contrats à durée déterminée) conclus après leur publication (soit après le 23 septembre 2017), et en particulier concernant le rôle renforcé pour la négociation au niveau des branches sociales en ce qui concerne sa durée, son renouvellement, son délai de carence et les règles applicables en matière de requalification en CDI (contrat à durée indéterminée). L’orientation donnée par ces ordonnances est donc clairement celle de la primauté accordée à la négociation au niveau des entreprises ou des branches.
1. Le pouvoir conféré aux partenaires sociaux de fixer la durée totale du CDD
L’article 1242-8 du Code du travail prévoyait jusqu’à l’entrée en vigueur des ordonnances MACRON que le CDD ne pouvait « excéder dix-huit mois, compte tenu, le cas échéant, du ou des deux renouvellements ». Or, ce texte modifié par l’article 25 de l’ordonnance susvisée prévoit désormais que la durée maximale du CDD peut être déterminée librement et sans plafond légal dans le cadre d’une négociation conventionnelle entre partenaires sociaux, à l’exception des CDD visant à recruter un ingénieur ou cadre en vue de la réalisation d’un projet défini visé par l’article L1242-2 6° du Code du travail, ainsi qu’aux contrats conclus pour favoriser le recrutement de personnes en situation de chômage ou en complément de formation professionnelle.
Cette mesure vise clairement à encourager les entreprises à recruter à moindre risque afin de créer des postes « à tout prix ». Autrement dit, le choix politique effectué est celui de privilégier l’emploi, même précaire sur du moyen/long terme, par rapport au chômage. Il conviendra tout de même de suivre l’évolution de la jurisprudence avec intérêt à ce sujet, puisque la chambre sociale de la Cour de cassation considère actuellement et de manière constante, que le CDD ne peut « pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ».
En l’absence de durée maximale fixée conventionnellement au niveau de la branche, la durée légale de 18 mois reste tout de même applicable (renouvellement compris), sauf pour certains cas particuliers, comme notamment le contrat à durée déterminée conclu dans l’attente de l’entrée en service effective d’un nouveau salarié, pour des travaux urgents imposés par le principe de sécurité ou de précaution, le départ définitif d’un salarié, ou encore une variation exceptionnelle du volume d’activité.
2. La détermination du nombre maximal de renouvellements par accords de branches
Depuis 2015, un CDD pouvait être renouvelé deux fois (une seule fois auparavant) dans la limite d’une durée totale de 18 mois. Désormais, le principe légal fixé par l’article 26 devient celui de la négociation ou de l’accord de branche comme déterminé par l’article L1243-13 du Code du travail modifié, donnant pouvoir aux partenaires sociaux pour déterminer le nombre maximal de renouvellements, sans plafond fixé par les textes légaux. A défaut d’accord conventionnel et seulement dans ce cas, le principe restera celui d’une limitation à deux renouvellements consécutifs du CDD.
3. La négociabilité de la durée du délai de carence
Concernant les modalités et la durée du délai de carence, les ordonnances viennent fixer le même principe de négociation entre partenaires sociaux, puisque les conventions de branche ont désormais pouvoir de fixer les règles applicables (article 27 de l’ordonnance).
Toutefois, ce principe est à nuancer par le fait que l’article 27-1 de cette même ordonnance précise que ce délai de carence doit impérativement être déterminé en jours ouvrés : « les jours pris en compte pour apprécier le délai devant séparer deux contrats sont les jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement ».
Ici également, à défaut d’accord négocié par les partenaires sociaux, l’article L1244-3-1 du Code du travail reste pleinement applicable, soit un délai de carence fixé à 1/3 du contrat lorsque le CDD (renouvellements inclus) est d’une durée inférieure à 14 jours, ½ en cas contraire.
Enfin, il convient de souligner que les conventions de branche pourront déterminer des situations pour lesquelles le délai de carence n’est pas applicable.
4. Obligation de transmission de l’employer : fin de la requalification automatique en CDI
Il ressortait des dispositions de l’article L1242-12 et L1242-13 du Code du travail ainsi que de la jurisprudence constante (par exemple : Cass. Soc. 17/06/2005, pourvoi 03-42.596), que l’employeur doit dans les deux jours ouvrables suivant la signature du contrat à durée déterminée transmettre le contrat par écrit et mentionnant le motif précis de signature. La sanction en cas de non respect de ces dispositions était celui de la requalification de plein droit en contrat à durée indéterminée (CDI).
Désormais et depuis l’entrée en vigueur des ordonnances, cette absence de transmission dans le délai légal de 2 jours ne constitue plus à elle seule un motif de requalification (article 4-V et VI de l’ordonnance numéro 3), remettant ainsi en cause la jurisprudence établie. Mais la situation n’en demeure pas moins floue, et il est à prévoir un contentieux foisonnant sur lequel les juges devront statuer dans les mois à venir.
Seule demeure certain dans ce cas le maintien d’une indemnité au profit du salarié, à la charge de l’employer, et qui est plafonnée à un mois de salaire. Une indemnité qu’il convient de distinguer de celle prévue par l’article L1245-2 du Code du travail (indemnité de requalification). Il est à noter d’ailleurs que l’articulation de ces deux indemnités, et notamment les règles en matière de cumul de celles-ci, sont loin d’être claires…