La détention provisoire : une question de constitutionnalité
Le droit pénal a récemment été confronté à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant la durée de la détention provisoire. Cette question a été soulevée en raison des huitième et neuvième alinéas de l’article 181 du Code de procédure pénale, modifiés par la loi du 22 décembre 2021.
Contexte juridique
Ces alinéas stipulent qu’un accusé détenu pour les faits pour lesquels il est renvoyé devant la cour d’assises doit immédiatement être libéré s’il n’a pas comparu devant celle-ci à l’expiration d’un délai d’un an. Ce délai court à partir de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive s’il était alors détenu, ou de la date à laquelle il a été ultérieurement placé en détention provisoire.
Cependant, si l’audience sur le fond ne peut pas commencer avant l’expiration de ce délai, la chambre de l’instruction peut, à titre exceptionnel, ordonner la prolongation de la détention provisoire pour une nouvelle durée de six mois. Cette prolongation peut être renouvelée une fois. Si l’accusé n’a pas comparu devant la cour d’assises à l’issue de cette nouvelle prolongation, il est immédiatement remis en liberté.
Question de constitutionnalité
Une QPC a été soulevée, arguant que ces dispositions porteraient atteinte à la liberté individuelle et instaureraient une différence de traitement injustifiée entre les accusés détenus qui n’ont pas encore comparu devant la cour d’assises, pour lesquels la durée de la détention provisoire est strictement encadrée, et ceux qui ont déjà comparu, mais dont l’audience a été renvoyée à une prochaine session, pour lesquels la durée de la détention est seulement soumise à l’exigence d’une durée raisonnable. Il en résulterait une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
Décision du Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel a répondu à cette QPC en juillet 2023. Il a affirmé que si la détention provisoire de l’accusé peut se poursuivre jusqu’au jugement sans qu’une durée maximale soit prévue par les dispositions contestées ou toute autre disposition législative, il appartient à la cour, lorsqu’elle ordonne le renvoi de l’affaire, de se prononcer sur le maintien en détention provisoire de l’accusé. Elle doit alors s’assurer que les conditions prévues à l’article 144 du Code de procédure pénale demeurent réunies et que la durée de sa détention ne dépasse pas la limite du raisonnable.
En outre, l’accusé placé en détention provisoire peut à tout moment former une demande de mise en liberté. Cependant, la liberté individuelle ne saurait être sauvegardée si l’autorité judiciaire ne contrôle pas, à cette occasion, la durée de la détention. Ce contrôle exige que l’autorité judiciaire fasse droit à la demande de mise en liberté lorsque la durée totale de la détention excède un délai raisonnable.
Sous cette réserve, les dispositions contestées ont été déclarées conformes à la Constitution.
Implications de la décision
Cette décision du Conseil constitutionnel a des implications importantes pour la pratique du droit pénal en France. Elle établit clairement que la durée de la détention provisoire doit être contrôlée par l’autorité judiciaire, qui doit s’assurer qu’elle ne dépasse pas une durée raisonnable. Cela signifie que les juges doivent attentivement examiner chaque cas et prendre en compte une variété de facteurs, y compris la gravité de l’infraction, les circonstances de l’accusé et le besoin de protéger la société, lorsqu’ils décident de prolonger la détention provisoire.
De plus, la décision souligne que les accusés ont le droit de demander leur mise en liberté à tout moment pendant leur détention provisoire. Cela garantit que les accusés ont la possibilité de contester leur détention et de demander leur libération si les conditions de leur détention changent ou si la durée de leur détention devient déraisonnable.
Enfin, la décision confirme que les dispositions contestées de l’article 181 du Code de procédure pénale sont conformes à la Constitution, à condition que l’autorité judiciaire contrôle la durée de la détention provisoire. Cela signifie que ces dispositions resteront en vigueur et continueront à régir la détention provisoire en droit pénal français.
Conclusion
Cette décision du Conseil constitutionnel souligne l’importance de l’équilibre entre la nécessité de la détention provisoire dans le cadre de la procédure pénale et le respect de la liberté individuelle. Elle rappelle également l’importance du principe d’égalité devant la loi, qui doit être respecté dans tous les aspects du droit pénal, y compris la détention provisoire.