Principe de liberté de la preuve en matière prud’homale
Principe de liberté de la preuve en matière prud’homale
Par un arrêt rendu le 19 avril 2023, la Cour de cassation a changé son fusil d’épaule en élargissant le champ des preuves considérées recevables en matière prud’homale. Ainsi, le juge peut légitimement motiver sa décision par des témoignages rendus anonymement, si ces derniers sont appuyés par d’autres éléments utiles à les rendre crédibles ou pertinents. Le cabinet Ake Avocats à La Réunion vous éclaire sur les contours d’une telle décision.
Principes généraux de la preuve aux Prud’hommes
Depuis plusieurs années, les juges en droit du travail doivent jongler entre l’existence de nouvelles preuves issues du numérique et des réseaux sociaux. Les sources de preuve se font ainsi plus nombreuses, entraînant forcément une nouvelle analyse de leur recevabilité devant les tribunaux. L’enjeu est d’autant plus important qu’une preuve déclarée irrecevable est écartée du débat et peut impacter la suite des événements.
En pratique, le Code de procédure civile encadre les principes généraux applicables à la liberté de la preuve en matière prud’homale. La loi n’impose aucun mode de preuve particulier, laissant ainsi toute l’aisance aux juges d’apprécier souverainement les preuves qui leur sont présentées. Toutefois, il est nécessaire de respecter le principe de loyauté de la preuve, faisant figure de modèle en droit. Ainsi, lorsque les juges estiment qu’un moyen de preuve n’est pas loyal, ce dernier est jugé illicite et ainsi exclu des débats.
Un élargissement des preuves admises en matière prud’homale
Depuis 2020, les juges sont plus enclins à accepter des preuves peu loyales comme éléments déterminants dans leur prise de décision en matière prud’homale. Cela pose forcément question puisqu’un tel infléchissement a rendu possible la prise en compte de nombreuses preuves pourtant jugées illicites auparavant. Ce qui prévaut désormais est l’idée de proportionnalité entre les libertés fondamentales et le droit à la preuve.
C’est ce qui a poussé les juges à admettre des témoignages anonymes comme éléments de preuve dans une affaire mettant en cause un salarié mis sur pied pour des agissements dégradants et humiliants envers d’autres collègues. Les juges considèrent ainsi que cet élément de preuve est valable à condition qu’il ne constitue qu’un élément parmi d’autres pour permettre au juge de rendre sa décision de manière équitable.
Plus en amont, d’autres arrêts ont corroboré ce changement de position. Les modes de preuve suivantes ont ainsi pu être admises :
- des extraits du compte Facebook privé du salarié (Cass. soc. 30 septembre 2020, n° 19-12.058),
- une enquête menée en externe pour des faits de harcèlement moral et à l’insu de l’auteur présumé des faits, sans qu’il n’y participe,
- une conversation privée enregistrée par le salarié sans que son employeur ne soit au courant, dans un cadre professionnel et donnant lieu à des confidences de la part de l’employeur,
- les images d’un dispositif de vidéosurveillance installé sans consultation des représentants du personnel.
Quelles preuves restent exclues pour prouver un préjudice aux Prud’hommes ?
Les juges continuent à considérer qu’une preuve obtenue par un processus disproportionné au but recherché ou portant atteinte à la vie privée du salarié ne doit pas être retenue. En pratique, un enregistrement de vidéosurveillance obtenu par l’employeur peut être exclu des modes de preuve acceptables au motif qu’il est disproportionné par rapport à la sécurité des personnes et des biens.
Chaque élément versé au débat doit être considéré individuellement afin d’analyser sa recevabilité en matière prud’homale. Ainsi, la preuve doit toujours répondre à l’obligation de loyauté et respecter les droits fondamentaux de l’homme. L’évolution des techniques digitales a forcément fait évoluer le champ des preuves recevables. Parfois, une preuve est considérée recevable même si elle est illicite, à condition d’apporter la preuve que l’atteinte est proportionnée au but poursuivi.
Vous souhaitez défendre vos droits aux Prud’hommes ? Spécialisé en droit du travail, Ake Avocats est un cabinet situé à La Réunion et disponible pour faire valoir vos droits en justice quand vous en avez le plus besoin.