Prescription décennale : quel est son champ d’application ?
Quel est le champ d’application de la prescription décennale ?
Dans un arrêt rendu le 12 avril 2022, le Conseil d’État a rappelé que le principe de la prescription décennale s’applique aux ouvrages publics. Plus précisément en ce qui concerne une action menée à l’encontre d’un sous-traitant et mettant en présence le maître d’ouvrage et l’administration. Quel est l’impact de cette décision en droit administratif ? Éclairage dans cet article avec Ake Avocats.
Délai de prescription applicable pour une action en responsabilité dirigée par le maître de l’ouvrage
La question s’est bien souvent posée de savoir quel délai de prescription devait s’appliquer pour une action en responsabilité menée par le maître d’ouvrage contre le constructeur. Dans un arrêt datant du 12 avril 2022, le Conseil d’État a tranché cette question dans le cadre d’une action en responsabilité contractuelle entreprise par le maître d’ouvrage.
En l’espèce, ce dernier avait commandé la construction d’un édifice dans les années 2000. Pour mener à bien cette construction, plusieurs marchés publics avaient été passés. La maîtrise d’œuvre avait été confiée à un groupement qui avait ensuite fait l’objet d’un transfert à un autre groupe. Après plusieurs travaux, des malfaçons sont apparues sur la charpente métallique. S’en est suivie une bataille juridique devant les juges du Conseil d’État. Pour sa défense, la société membre du groupement fait valoir que l’action est prescrite (délai légal de 5 ans).
Le Conseil d’État devait donc statuer sur le délai de prescription de l’action. L’action en responsabilité contractuelle du constructeur vis-à-vis du maître d’ouvrage était elle régie par la prescription quinquennale ou par la prescription décennale ?
Cadre juridique de la prescription en matière d’action en responsabilité du maître d’ouvrage
Pour rendre sa décision, le Conseil d’État est venu poser un cadre juridique au préalable. La prescription quinquennale de droit commun est prévue au Code civil, dans son article 2224. En vertu de cette disposition, l’action se prescrit par 5 ans à partir du jour où le titulaire du droit a eu connaissance des faits litigieux ou aurait dû en prendre connaissance. De son côté, la prescription décennale est prévue par l’article 1792-4-3 du Code civil. Elle concerne tous les travaux réalisés par les constructeurs et leurs sous-traitants. La prescription est de 10 ans à partir du jour où le maître d’ouvrage réceptionne les travaux. En se basant sur cet article, les juges du Conseil d’État confirment le raisonnement du maître de l’ouvrage. Ce dernier pouvait agir pendant 10 ans contre les membres du groupement de maîtrise d’œuvre à partir du moment où ces derniers avaient la qualité de constructeurs.
Point important à souligner : cette prescription de 10 ans concerne également les actions portant sur des désordres n’affectant pas la solidité de l’ouvrage ni le rendant impropre à sa destination. Concrètement, le maître d’ouvrage peut agir contre le constructeur ou son sous-traitant pendant 10 ans, pour tous les dommages. Y compris ceux ne relevant pas de la garantie décennale.
Action du maître d’ouvrage contre le constructeur et application de la prescription décennale
En pratique, deux situations se posent concernant l’action menée à l’encontre d’un constructeur. D’une part il est possible que le constructeur agisse contre un autre constructeur ou son sous-traitant. Dans ce cas, la prescription est de 5 ans, conformément à l’article 2224 faisant référence au délai de droit commun. De son côté, l’action en responsabilité menée par le maître d’ouvrage contre le constructeur ou son sous-traitant est régie par d’autres dispositions. Il ne s’agit plus de la prescription de droit commun mais de la prescription décennale. L’action peut donc être menée pendant 10 ans à compter de la réception de l’ouvrage. Dans ce cas, les juges décident donc d’écarter le délai de prescription de droit commun de 5 ans au profit de la prescription décennale.
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